- MÉROSTOMES
- MÉROSTOMESLes Mérostomes actuels sont des animaux marins à respiration branchiale, protégés par une épaisse carapace articulée. À première vue, ils rappellent les Crustacés, mais ils s’en distinguent immédiatement par leurs chélicères: on appelle ainsi les appendices articulés pairs que porte, en avant de la bouche, le premier segment du corps. Le nombre réduit des articles qui composent ces appendices, la pince qui les termine sont des critères distinctifs majeurs: aucune confusion n’est possible avec des antennes.Ces animaux ne sont donc point des Arthropodes Antennates mais des Arthropodes Chélicérates et, à ce titre, proches des Arachnides. Toutefois, leur allure générale n’est pas sans évoquer les formes qui se situent à la souche des rameaux évolutifs arthropodiens, notamment les Trilobites. Aussi le groupe des Mérostomacés a-t-il, du fait de la persistance jusqu’à nos jours d’un véritable «fossile vivant», la Limule, un grand intérêt zoologique.MorphologieXiphosura polyphemus (Linné), que l’on nomme aussi Limule, se rencontre sur la côte atlantique de l’Amérique du Nord. D’une taille de soixante centimètres environ, cet animal marin est pourvu d’une carapace chitineuse résistante. Son corps se compose d’une partie antérieure en forme de fer à cheval et d’une partie moyenne trapézoïdale, ces deux parties étant mobiles l’une par rapport à l’autre dans le plan vertical grâce à un sillon articulaire transversal; le corps se termine par un long aiguillon (fig. 1). Le sillon articulaire ne constitue pas la véritable limite entre les segments thoraciques, qui sont au nombre de six, et les segments abdominaux; son bord antérieur contient, en effet, les éléments du premier segment abdominal, tandis que son bord postérieur comprend, non seulement les éléments du deuxième segment abdominal, mais aussi les parties pleurales du dernier segment thoracique. En réalité, tous les segments sont coalescents; seule l’observation de cette articulation au cours du développement embryonnaire permet de définir sa position par rapport à la métamérisation primitive (fig. 2).La région antérieure du corps présente dorsalement une paire d’yeux latéraux et une paire d’ocelles médians. Elle porte ventralement sept paires d’appendices: une paire de chélicères, cinq paires de pattes ambulatoires et une paire de chilarias [cf. ARTHROPODES]. Les quatre premières paires de pattes ambulatoires possèdent un article basal, ou coxa, allongé transversalement, dont le bord interne, denté, forme une lame maxillaire. Cet article est muni en outre d’un petit prolongement mobile, triangulaire, que l’on assimile à l’épicoxite d’un article disparu, le précoxa. La cinquième paire est dépourvue de lame maxillaire et d’épicoxite, mais elle montre un précoxa portant un pré-épipodite, le flabellum, homologue du pré-épipodite des Trilobites. Les chélicères et les pattes ambulatoires sont terminées par des pinces (sauf chez le mâle, à la paire ambulatoire antérieure: caractère sexuel secondaire). Les chilarias, appendices du segment prégénital, sont réduits à leur lame maxillaire (fig. 3).La région moyenne du corps possède ventralement six paires d’appendices: l’opercule génital et cinq paires de pattes branchifères. L’opercule génital est une plaque membraneuse représentant la fusion des deux appendices du segment génital. Cette plaque recouvre en partie les pattes branchifères quand celles-ci sont au repos. Sa face postérieure porte les deux orifices sexuels. Les sexes sont séparés.OrganisationConsidérons d’abord le tube digestif. La Limule se nourrit surtout de Mollusques. La bouche, placée ventralement entre les coxæ des pattes ambulatoires, est entourée par leurs lames maxillaires, la lèvre supérieure étant située entre les chélicères, la lèvre inférieure en avant des chilarias. À la suite de la bouche, l’œsophage se dirige vers l’avant pour se rendre dans le gésier. Celui-ci se replie en U et se dirige vers l’arrière, relié par une valvule conique à la partie intestinale du tube digestif. Cette dernière est rectiligne; elle débouche, par l’anus, à la base de l’aiguillon caudal. Dans la région antérieure de l’intestin ou estomac débouchent, par quatre orifices, les deux cæcums hépatiques latéraux, qui sont très ramifiés.L’appareil excréteur est formé d’une paire de glandes coxales, situées de part et d’autre du gésier, chaque glande comprenant quatre lobes, un saccule et un tube excréteur très contourné, débouchant par l’orifice excréteur près de la base de la coxa de la patte ambulatoire V.L’appareil circulatoire, l’un des plus perfectionnés que l’on connaisse chez les Arthropodes, comprend un cœur dorsal occupant une région comprise entre le niveau des yeux et le milieu de l’abdomen. Il est entouré d’un large péricarde avec lequel il communique par huit paires d’ostioles. Le sang renferme un pigment (hémocyanine) fixant l’oxygène. À côté du système artériel qui est très fourni (fig. 4), il existe un système veineux conduisant le sang aux branchies.Les branchies sont portées par la face postérieure des pattes abdominales. Ce sont des lamelles formées par duplicature du tégument en deux feuillets unis de place en place par des anastomoses transverses, de façon à constituer des lacunes où pénètre le sang. Elles sont baignées par un courant d’eau continu, entretenu par les mouvements des pattes. Par leur mode de formation, ces organes sont homologues des poumons des Arachnides.Le système nerveux de la Limule (cf. tableau) est caractérisé par la concentration de nombreux ganglions en une masse nerveuse centrale et par l’association des artères et des nerfs, ces derniers pénétrant dans la lumière artérielle et la parcourant sur une partie de leur trajet. Par suite de la courbure en crosse du tube digestif, le cerveau, morphologiquement dorsal, se trouve situé ventralement en avant de l’œsophage. Il est relié à la chaîne nerveuse ventrale par un collier périœsophagien. La masse nerveuse centrale innerve les organes, opercule génital inclus. La chaîne nerveuse ventrale est formée de deux cordons portant cinq paires de ganglions. Elle innerve les pattes abdominales et l’aiguillon caudal.Les organes des sens comprennent dorsalement deux yeux latéraux et une paire d’ocelles antérieurs, ventralement un organe probablement olfactif, situé sur la ligne médiane en avant des chélicères, l’organe frontal. Les yeux latéraux, dépourvus de cristallin, sont formés d’un assemblage d’ommatidies nettement délimitées. Près de chaque œil se trouve un œil rudimentaire non fonctionnel. Les ocelles possèdent une épaisse lentille cornéenne. L’organe frontal est composé d’un organe médian, flanqué de chaque côté d’un œil rudimentaire non fonctionnel. On le considère comme homologue de l’organe frontal des Trilobites.La musculature est puissante; l’aiguillon caudal sert à l’animal de point d’appui lors de ses évolutions (en particulier, renversement sur le dos). Les muscles sont insérés sur un squelette interne bien développé, dont l’endosternum constitue le principal élément.BiologieLes Limules vivent dans la zone littorale; elles nagent le ventre en l’air en se servant de leurs pattes abdominales. Au moment de la reproduction, elles gagnent le rivage où elles se rassemblent par couples à la limite des hautes eaux. La femelle creuse alors un entonnoir pour y déposer ses œufs que le mâle, se tenant sur le dos de la femelle, arrose de sperme.Dans l’œuf en voie de développement, les cellules qui doivent engendrer les métamères prennent naissance en deux pôles opposés. Au pôle antérieur se forment les segments de l’acron, des chélicères et les trois premiers segments thoraciques. Au pôle postérieur apparaissent les deux derniers segments thoraciques, le segment prégénital, le segment génital et la suite des segments abdominaux. À la fin du développement embryonnaire est libérée une larve Prestwichianella . La maturité sexuelle est atteinte au bout de trois années environ.PhylogénieÀ côté d’un petit nombre d’espèces vivantes, les Mérostomacés comprennent de très nombreuses espèces fossiles, que l’on rencontre depuis le Cambrien moyen jusqu’au Permien. On les divise en deux sous-classes, les Gigantostracés et les Xiphosures. Les Gigantostracés atteignent une taille de deux mètres. Leur abdomen est entièrement segmenté; il présente un préabdomen ou mésosoma de sept segments, un post-abdomen ou métasoma de cinq segments, et une région terminale courte et aplatie.Les Xiphosures, au contraire, ont tendance à perdre leur segmentation abdominale; les trois ordres dans lesquels on les range illustrent ce caractère; Aglaspida , avec onze segments abdominaux apparents; Synxiphosurida , avec dix segments abdominaux; Xiphosurida , avec des segments abdominaux coalescents.Les Mérostomacés ont avec les Trilobites de nombreux caractères communs, et quelques-uns ont été soulignés ici. Il est vraisemblable que leurs formes ancestrales ont émergé de la classe des Trilobites. Mais de nombreux auteurs considèrent que Xiphosures et Gigantostracés se sont détachés indépendamment l’un de l’autre des Trilobites, et que leur ressemblance est due à cette ascendance commune. Selon L. Fage, Xiphosures et Gigantostracés diffèrent en outre par leur devenir: tandis que les Xiphosures ont atteint le Quaternaire sans avoir donné, semble-t-il, naissance à de nouvelles lignées, les Gigantostracés, au contraire, ont très probablement engendré, avant de disparaître à la fin du Permien, les formes ancestrales de certains Arachnides. Cette hypothèse s’appuie notamment sur les faits suivants: le gisement de certains Gigantostracés permet de conclure que ces animaux étaient adaptés à la vie terrestre; les espèces du genre Mixopterus ont une remarquable ressemblance avec les Scorpions; la métamérisation des Gigantostracés et des Scorpions ne diffère que par quelques détails, et il est possible d’homologuer entre eux leurs organes respiratoires.mérostomesn. m. pl. PALEONT, ZOOL Classe d'arthropodes marins, tous fossiles, la limule exceptée.— Sing. Un mérostome.mérostomes [meʀɔstɔm] n. m. pl.❖♦ Zool. Arthropodes chélifères aquatiques à respiration branchiale. ⇒ Limule. — Au sing. || Un mérostome.
Encyclopédie Universelle. 2012.